Faire son bois de chauffage

... et se chauffer de manière la plus écologique possible.

Passerelle-éco

Cet article a été initialement rédigé pour le n° 74 de la revue Passerelle-éco. Il est publié ici avec l'autorisation de la revue et avec quelques mises à jour.

Octobre 2015, nous posons nos valises dans la poussière de cette ferme inhabitée depuis plus de 10 ans. Pas isolée, humide car pas ventilée et recouverte de végétation, équipé d’une cheminée ouverte et d’un poêle à bois au rendement inconnu et probablement pas fameux, nous envisageons un premier hiver rude. Impossible de préparer et faire sécher notre 1er bois de chauffage en 2 mois, aussi nous achetons 10 stères de bois et construisons dans la folle énergie de l’installation un poêle de masse modèle Rocket Stove, poêle Dragon en French.

Le 1er hiver nous avons 12°C dans les chambres, l’une d’elles à même le sol mouillé de condensation tellement la maison est humide. Nous brûlons du bois pas suffisamment sec, donc plus que prévu. Malgré des journées « bois » régulières nous n’arrivons pas à constituer notre stock pour les hivers suivants.

Malgré tout, au bout de 3 ans : des abris sont construits pour plus de 20 stères de bois ; la maison est isolée, ainsi que le four à pain ; une serre sur la façade sud chauffe efficacement la maison ; la boisinière permet de cuisiner avec des branches de petites sections (4 cm) ou des bouts de palette. Résultat, la consommation de bois à chuté en même temps que nous devenions à peu prêt au point sur la production de bois de chauffage, le stock est plein et on ne sait plus que faire des arbres qui tombent tous seuls sur notre terrain (2 ou 3 par an, sur 1 ha de forêt exploitable). Nous qui nous demandions au départ si nous serions capable émotionnellement et techniquement de faire tomber un arbre, la question ne se pose plus.

Un peu de théorie

Sauf cas particulier, quand on veut être autonome en bois de chauffage, le bois sous forme de bûche s’impose. Avec des outils simples, on peut scier et fendre son bois soit même, puis le faire sécher. Les granulés ou pellets sont un produit industriel et nécessitent un poêle complexe contenant ventilateurs et électronique, et qui nécessite donc, pour fonctionner, d’être branché sur le 220V. Les plaquettes sont des résidus d’exploitation forestière obtenus par des broyeurs très puissants. On les brûle dans des chaudières elles aussi très complexes.

Pour se chauffer avec peu de bois et de telle manière que la combustion de ce bois soit la moins polluante possible, il faut absolument que celui-ci soit bien sec. Pour du bois bûche, il faut idéalement 2 ans de séchage dans de bonnes conditions. Il est très difficile d’estimer le taux d’humidité d’un bois de chauffage, même avec un testeur électronique qui fait une mesure en surface alors que c’est l’intérieur de la bûche qui nous intéresse. Il faut donc fendre une bûche et tester sur une des nouvelles faces. Le plus sûr est de bien gérer son séchage (voir plus bas).

Quel format ? Tes bûches doivent avoir une longueur et une section adaptées à l’engin qui va les brûler. Il faut anticiper ça aussi pour pas devoir recouper ou refendre après séchage. Le bois sec est plus dur à couper, les outils doivent être réaffûtés plus souvent. Le séchage est d’autant plus rapide que le bois est fendu petit, compte 1 an pour 2 cm de profondeur de séchage, soit 2 ans pour un rondin de 8 cm de diamètre. L’idéal est d’avoir des consommateurs de bois (poêles, cuiseurs, etc) qui se complètent, par exemple un poêle de masse qui veut de la belle bûche fendue à partir de troncs ou de grosses branches et un cuiseur économe qui brûle des petites branches. A poids égal, une bûche de section ronde (non fendue) brûle moins vite qu’une section carré qui brûle moins vite qu’une section triangulaire car la section triangulaire donne à la bûche une surface de contact au feu plus importante.

Rendement

Le rendement c’est la quantité de chaleur que l’on va obtenir avec le même poids de bois. Pour avoir un bon rendement il faut :

  • Du bois sec, sinon une partie de la chaleur sert à faire s’évaporer l’eau.
  • Brûler à haute température, pour brûler le plus complètement possible le bois. Une bonne combustion produit une fumée invisible. Fumée blanche = température de combustion trop basse ; fumée noire = pas assez d’air (oxygène).
  • Ne pas envoyer la chaleur dans le ciel, mais dans la maison, donc avoir en sortie de cheminée de la fumée la plus froide possible. Attention ce dernier point nécessite que les 2 autres soit respectés, sinon tes fumées froides vont encrasser très rapidement tes conduits.

Le rendement est indiqué sur la plaque signalétique à l’arrière des poêle récents. Voici des ordres de grandeurs généralement constatés :

Cheminée bois à foyer ouvert
10 à 20 %
Insert ancien
30 à 60 %
Poêle à bois ancien
40 à 80 %
Poêle à bois ou insert récent
60 à 80 %
Poêle à granulé
75 à 85 %
Poêle de masse Tu peux le fabriquer toi même pour pas cher!
70 à 85 %
Chaudière à condensation En plus de l'énergie du bois, la condensation de l'eau contenue dans les fumées produit aussi de l'énergie, d'où un rendement supérieur à 100%
95 à 105 %

Beaucoup de pratique

Sciage

Il se fait en forêt pour obtenir des pièces de bois transportables. Il se fait en début d’hiver, la végétation étant beaucoup moins dense et le sol pas encore détrempé. Les vêtements chauds sont aussi une protection lors de cette étape qui est la plus dangereuse.

Lorsque sur ton terrain tu as des arbres déjà tombés au sol, commence par eux. Les arbres morts mais qui sont encore appuyés sur leur copains sont particulièrement délicats à faire descendre au sol. C’est un boulot de bûcherons professionnel ! La tronçonneuse est d’une grande efficacité, tant qu’elle fonctionne et qu’elle coupe. C’est un outil qui nécessite du soin et du suivi. Industriel et consommateur d’énergie, c’est quand même à notre avis un compromis acceptable au regard du travail qu’il permet. Une alternative pour le sciage des grosses section au sol est la scie “passe-partout” pour 2 personnes.

Bien plus basse-technologie qu’une tronço, elle pourra être réaffûté pendant plusieurs décennies. C’est environ 3 fois plus lent et il faut 2 personnes, soit 6 fois plus de main d’œuvre pour la coupe. Mais la coupe elle-même ne prend que 20% environ du temps de chantier (avec une tronço), le reste étant manutention, réflexion, repos. 20 % (temps de sciage tronço) x 6 = 120 ; 120 + 80 (reste du chantier) = 200 % ; le sciage au passe-partout va donc environ doubler le temps du chantier sciage du bois. T’as pas pigé le calcul : c’est pas grave, on se fait confiance. En prime, un chantier silencieux où les gens peuvent discuter en travaillant, c’est appréciable.

Au début la Ferme Légère, quand nous n’avions pas encore mis grand choses en place et que nous étions très disponibles pour toutes les expérimentations imaginables, nous avons fait un peu de bois au passe-partout, histoire de voir l’efficacité de l’outil. Depuis nous sommes revenus à la tronço (tant qu’elle marche) car nous sommes maintenant très accaparés par les nombreux ateliers et installations en fonctionnement ou en cours de mise au point.

Lors de la coupe, sois précis sur la longueur de tes pièces de bois : cela minimisera le nombre de coupes et facilitera le fendage et le rangement. Voire, ça t'évitera de refaire un sciage des bûches qui, zut, ne rentre pas dans le poêle.

Sauf si c’est la pénurie de bois chez toi, sélectionne les parties de tronc droites et peu noueuses et laissez les « infendables » en forêt : le bois mort laissé sur place contribue à la régénération de la forêt et héberge une partie de sa biodiversité.

Fendage

Amélioration 2021

À la Ferme Légère on fait un 1er fendage au merlin avant stockage et séchage. Juste avant le brûlage on refend avec une nouvelle machine (smart splitter).

Il se fait sur une zone aménagée près de la zone de stockage séchage. Si tu n’as pas ramené n’importe quoi de ton sciage, le fendage au merlin est un jeu d’enfant. Les fendeuses motorisées ne sont utiles que pour ce que nous avons qualifié d’infendable et que nous avons laissé en forêt.

Le billot ultime te fera gagner un temps considérable : un pneu de voiture grand et large, fixé horizontalement sur un billot, maintiendra les bûches pendant le fendage. Tu tournera autour en donnant autant de coup de merlin pour amener vos bûches à la section désirée, sans devoir poser le merlin et ramasser la bûche à chaque fois.

Le maniement du merlin s’apprend en quelques heures, mais est difficile à décrire. Quelques conseils néanmoins :

  • Ce n’est pas toi qui fends la bûche mais la tête du merlin. Ta tâche est de donner une vitesse maximale à la tête et que celle-ci frappe la bûche au bon endroit et parallèlement au fil du bois.
  • Au moment où la tête frappe le bois, tu ne fais plus d’effort et tes mains ne sont plus crispées sur le manche, cela t'évite d’encaisser le choc et ses vibrations. Quand la tête du merlin prend de la hauteur, maintiens-la proche de ton corps pour minimiser l’effort.
  • Quand la tête du merlin descend et prend de la vitesse, elle doit être loin de ton corps, bras tendus et parallèles au manche. La main la plus proche de la tête du merlin se déplace sur le manche : proche de la tête du merlin lors de la montée, proche de l’autre main lors de la descente.
  • Le dos reste droit au dessus du bassin.

Stockage

Fendu en hiver, ton bois ne sera pas prêt pour l’hiver suivant mais l’autre après. Il te faut donc un espace de stockage équivalent à 3 fois ta consommation annuelle : une fois pour le bois en train d’être brûlé, une fois pour le bois en cours de séchage et une fois pour le bois en cours de fendage.

Si tu as de multiples lieux de stockage, attention à ne pas perdre l’information du quel est sec et du quel ne l’est pas (2 ans c’est long). Un stockage unique sur une seule ligne est idéal, avec des montant verticaux qui délimitent des travées. Tu commences à le remplir par un coté et avance toujours dans le même sens. Au bout du 3ème hiver il est plein et tu consomme les 1ères travées, ce qui libère de la place pour la production du 4ème hiver. Remplissage et vidage des travées avancent donc toujours dans le même sens et tu sais toujours où est le bois le plus sec.

Le bois en cours de séchage doit être à l’abri de la pluie mais doit être bien ventilé, donc doit être ouvert des 2 cotés de la pile (pas contre un mur). Pour protéger de la pluie, un toit en dur avec débords de 50 cm de chaque coté de la pile sera bien plus efficace, plus durable et plus pratique qu’une bâche sur le haut de la pile. Avec une pile d’un mètre de largeur, 2m de haut et des travées de 2 m de large, chaque travée fait 4m3 et peut donc contenir 4 stères si tes bûches font 1 m de long. Si elles sont plus courtes la travée contiendra un peu plus que 4 stères car les bûches s’empilent mieux quand elles sont plus courtes. Avec les bûches de 50 cm ou moins, attention la pile peut verser si elle est mal empilée (voir schéma).

Faire son bois, c’est beaucoup de boulot, autant ne pas le manipuler 36 fois.

Donc coupe et fends à la bonne taille dès le début, stocke dans un endroit disponible pendant les 2 prochaines années et organise tout ça de manière à minimiser les trajets (c’est un principe de permaculture !) : l’endroit de stockage doit être proche de l’endroit de consommation et sur le trajet depuis le lieu de fendage. Le trajet entre stock et consommation doit être praticable avec un petit chariot ou un panier à bois. Il dispersera de la sciure et des brindilles, donc évite de le faire passer à travers la salle de bain !

Cliquer pour voir l'image originale

Pour bien brûler et obtenir le rendement espéré, fais des feux forts et courts. Pour cela les bûches triangulaires sont meilleure que les rondins. Il faut minimum 3 bûches serrées entre elles pendant la combustion. Les espaces entre les bûches sont plus chaud que les espaces entre bûches et parois du foyer, puisque ce sont les bûches qui produisent la chaleur.

Meilleur est ton rendement, moins tu auras de bois de chauffage à produire.

Marc – Août 20