Partage d'expérience de la Ferme Légère : Autonomie
Construire une boisinière qui dure
A la Ferme Légère, nous cuisinons au bois et au soleil depuis plusieurs années. Sous notre climat océanique du Béarn (doux, arrosé et ensoleillé) nous faisons environ 25 % des cuissons sur notre parabole solaire et 75 % au bois sur nos boisinières extérieures ou notre poêle dragon (rocket stove).
Il existe de nombreux tutos pour fabriquer des cuiseurs à bois économes. Dans celui-ci je vais développer des aspects qui passent souvent à la trappe : la théorie sous-jacente, la durabilité du cuiseur et l’ergonomie au quotidien.
Dans l’article Faire son bois de chauffage j’ai évoqué l’importance de bien brûler son bois, c’est à dire d’avoir un bon rendement de combustion : obtenir le plus de chaleur possible avec une quantité de bois donnée.
Même si nous avons une ressource en bois assez importante, il reste important d’être efficace sur la combustion pour :
- minimiser le bois de chauffage à produire car c’est long et fatigant ;
- minimiser la production de CO2 qui est très importante quand on utilise le bois pour produire de l’énergie comme expliqué dans cet article de Zerocombustible.fr.
Théorie
Avec nos cuiseurs à bois économe, que nous appelons « boisinière », nous essayons de concilier plusieurs objectifs :
- brûler le bois avec un bon rendement ;
- diriger la chaleur vers la cuisson des aliments plutôt que chauffer les nuages ;
- avoir une ergonomie correcte car on s’en sert presque tous les jours.
Le bon rendement c’est brûler du bois sec à haute température (entre 900 et 1000°C), donc dans un foyer qui permet et résiste à de telles températures. Pour atteindre ces températures, il faut ne pas prendre la chaleur au niveau du foyer mais au contraire empêcher cette chaleur de sortir. Nous allons donc isoler le foyer et prendre la chaleur plus loin, au niveau des fumées. L’isolant doit donc être lui aussi résistant à 1000°C donc on oubli la laine bois. Je listerais quelques isolants possibles dans la partie construction.
Le bon rendement c’est aussi utiliser le cuiseur à son régime optimal, donc il faut bien le dimensionner pour qu’il ne soit pas en sous ou sur-régime.
Un bon indicateur de combustion correcte est la couleur des fumées :
- blanches = sous-régime (démarrage, bois pas sec, apport de bois froid trop important) ;
- noires = manque d’oxygène (trop de braise et de bois, pas assez d’air) ;
- transparentes = c’est bon !
Une fois la chaleur produite, il faut en transférer la plus grande part possible vers l’aliment avant de laisser partir les fumées. On va donc rehausser la boisinière d’une jupe et utiliser un récipient de taille adapté, de manière à ce que les fumées frappent son fond puis lèchent ses parois. Cette jupe minimise aussi le refroidissement du au vent si on cuisine en extérieur.
L’ergonomie, pour finir cette partie théorique, tient à :
-
un feu facile à allumer et à moduler, donc visible et pas trop bas (si les boutons de votre plaque élec étaient au raz du sol, vous seriez pas content·e) ;
-
un chargement des récipients facile, surtout quand ce sont de grosses gamelles bien lourdes et que votre cuiseur crache de belles flammes ;
-
un emplacement proche de la cuisine, des stocks et de la salle à manger ;
-
un emplacement à l’abri de la pluie mais qui permette néanmoins l’évacuation des fumées. Si votre cuiseur se mouille entre 2 utilisations il faudra une partie du bois de cuisson pour le sécher.
Ces objectifs nous on conduit au compromis suivant :
- Le foyer est en béton réfractaire moulé. Tous les foyers précédents en métal (acier standard 2mm ou tuyau cheminée inox) on tenu maximum 6 mois avant d’être complètement percés.
L’entrée du foyer reste en métal pour minimiser la quantité de béton, faciliter le moulage et avoir une résistance aux chocs lors du chargement du bois.
-
Pas de conduit d’évacuation de fumée pour pouvoir utiliser des récipients de diamètres différents. En intérieur, l’évacuation des fumées via un tuyau est obligatoire, il faut alors qu’elles ne puissent pas passer entre le récipient et la boisinière. Ce point reste à améliorer car un conduit augmenterait fortement le tirage, donc la quantité d’air, donc le rendement.
-
Une jupe courte pour que les poignées des récipients restent facilement accessibles.
-
Une hauteur de tirage courte pour que la boisinière ne soit pas trop haute et donc que le feu ne soit pas trop bas ni le récipient trop haut.
-
Le cuiseur n’est pas déplaçable et est lourdement chargé pour être très stable et qu’il n’y ai aucun risque de renversement avec une récipient lourd.
-
Contact direct du récipient avec les fumées pour avoir un transfert de chaleur max. Le gros inconvénient est que, même si vous faites très attention à la couleur des fumées, vos récipients seront noirci à l’extérieur et laisseront des traces partout où vous les poserez. Il faudra aussi apprendre à les manipuler toujours par les poignées sinon c’est vos mains et vos habits qui seront noircis.
Construction
L’élément le plus technique à fabriquer et le plus cher est le foyer. Une alternative serait de le modeler en terre paille (gratuit, pas de moule). Nous ferons cet essai bientôt mais j’ai un gros doute sur la tenue dans le temps.
En attendant…
Fabrication du moule
La partie intérieure, le « noyau », est en bois. C’est lui qui forme la partie intérieure et verticale du foyer (le passage des fumées). On peut tenter de le faire extractible après la prise pour pouvoir le réutiliser, pour cela il faut lui donner de la « dépouille », c.a.d. qu’il soit un peu conique.
La partie oblique du foyer est en métal (tube carré de 120x120). Elle sert de moule mais restera prise dans béton pour former l’entrée du foyer, là ou on chargera le bois.
La partie extérieure du moule peu être en OSB mais elle va souffrir et ne pourra pas être réutilisé un grand nombre de fois. Nous avons fait un moule en métal, avec la tôle extérieure d’un ballon d’eau chaude.
En haut du noyau il y a un centreur qui vient s’appuyer sur la tôle de la partie extérieure du moule pour que ces 2 éléments soient bien positionné l’un par rapport à l’autre.
Le bas du noyau se glisse dans une encoche du tube en métal, de manière à ce que le noyau puisse être retiré par le haut alors que le tube reste en place.
On enrobe le noyau d’une fine couche de carton bien ajusté, sans quoi l’extraction du noyau sera impossible.
Le montage final des 4 éléments (socle, extérieur, noyau et tuyau métal) doit résister à la pression du béton qui est assez forte (il est environ 4 fois plus lourd que l’eau). Cette pression va repousser les éléments du moule vers le haut. La partie extérieure est donc vissée sur le socle. Il y a un lien entre le tube métal et le noyau et ce lien doit pouvoir être décroché après coulage pour pouvoir retirer le noyau. La chambre à air entre tube métal et le haut du moule permet de maintenir le tube dans la bonne position.
Votre moule sera probablement différent en fonction des matériaux à votre disposition, l’essentiel est de comprendre les grands principes pour improviser convenablement.
Mélange, coulage et démoulage
Le béton (liant + sable + gravier) doit être réfractaire, c.a.d. qu’il doit résister à de hautes températures. Nous achetons un mélange tout prêt chez un fournisseur de fours de boulanger et de matériel pour en fabriquer. Vous pouvez tenter de faire votre mélange vous même avec du ciment « fondu » et de la chamotte mais cette dernière n’est pas facile à trouver.
Quand vous coulez, c.a.d. remplissez le moule, il faut le tapoter pour bien faire descendre le béton et bien remplir tout les espaces.
24h après vous pouvez démouler. Le béton n’est pas encore très solide et il est possible de casser les bavures et les angles en les frottant avec un gant.
Si vous n’arrivez pas à retirer le noyau il reste la possibilité de le brûler quand la boisinière sera entièrement finie, a condition de l’avoir fait creux pour qu’un passage d’air permette la combustion.
Montage de la boisinière
Si vous la montez sur un sol naturel, il faut couper les remontés d’humidité avec une bâche ou un autre matériaux étanche.
Un bloc de béton cellulaire peu être utilisé comme support isolant du foyer.
Le réservoir interne d’un ballon d’eau chaude peu être utilisé pour faire l’enveloppe extérieure de la boisinière. La tôle extérieure du ballon, plus fine peu faire aussi l’affaire.
Entre cette enveloppe extérieure et le foyer on rempli avec un isolant résistant à la chaleur. Celui-ci va aussi caler le tout. Vous pouvez acheter de la perlite, de la vermiculite, de la pouzolanne, des billes de verre ou des billes d’argile. Vous pouvez aussi utiliser de la cendre, moins bon isolant mais gratuite. La quantité de cendre nécessaire est importante, demandez à vos amis qui n’ont pas de foyer à haut rendement ;-) Si vous utilisez un isolant qui ne se tasse pas (tous ceux cités sauf la cendre), il peut aussi servir comme support de foyer et évite le recours au bloc de béton cellulaire.
Un fois remplie d’isolant jusqu’en haut du foyer, un tube fait avec la tôle extérieure du ballon d’eau chaude permet de constituer la jupe qui remontera autour des récipients de cuisson.
Un simple mélange terre sable permet de boucher les parties supérieures et de protéger l’isolant.
Marc - Septembre 23
Tu as assez fait d'écran
Demain tu pourras lire un autre article de la Ferme Légère.