Du rêve à la réalité : Accepter d'être paysan·ne

C’est difficile de redevenir paysan quand on a grandi avec la promesse que la nourriture serait toujours moins chère et indéfiniment disponible dans les terminaux de distribution de l’agriculture sans humain.
Le mouvement des écolieux (éco pour écologique, ça va être important pour la suite) semble se développer de plus en plus vite. Le nombre de personne qui passent à la Ferme Légère pour éventuellement s’y installer, ou pour s’en inspirer, est toujours aussi important. Jeunes refusant la carrière que devait suivre leurs études, personnes âgées1) qui enfin tentent de s’extirper de ce monde fou, ielles sont nombreux·ses à envisager de vivre en collectif rural. Dac. mais pour y faire quoi ?

Travailler la terre et produire de la nourriture ? ou autre chose ?

Si nous essayons de nourrir un changement de société, et pas seulement de nous planquer, il nous faut bien réfléchir à la généralisation de notre modèle, c’est à dire a la viabilité d’une société qui aurait adopté le mode de vie que nous expérimentons.

Dans la perspective écologique qui est la notre, l’alimentation est sans équivoque la plus vitale et la plus importante des productions matérielles, bien plus que le bâtiment (on a de l’avance) ou la téléphonie mobile (on s’en passera s’il le faut). Mais beaucoup de prétendant·es à la vie en écolieux envisagent plutôt de vivre de leur parole. Il y a donc beaucoup de profs de yoga, de praticien·nes de médecine alternative, de masseureuses, de géobiologue, d’artistes et de conseillèr·es en permaculture. Des modes de vie au plus près de la nature et avec une activité intellectuelle gratifiante et peu pénible, qui reste tertiaire et inhérente à une société d’abondance fossile.
Alors on se demande : pour que ce mode de vie alternatif soit aussi écologique, va-t-il falloir mettre des quotas ? Car nous ne pourrons pas toustes vivre de notre influence sur les autres ; il faut aussi produire, et avec moins de pétrole, il faut plus de bras. Il va falloir redevenir paysans et paysannes. Et ça ne fait pas rêver tout le monde.

Tout le monde mange, donc vit d’une certaine manière sur le dos des paysan·nes et des artisan·es. Depuis le néolithique ielles sont toujours majoritaires, sauf dans nos sociétés thermo-industrielles où le pétrole en démultipliant la puissance productive des paysan·nes à fait réduire leur nombre, obligeant à inventer des métiers bizarres comme programmeuses d’imprimante ou assureur d’assurance. Nombreu·ses ou pas, les paysan·nes sont souvent les dindons de la farce. Les conditions matérielles sont dures, le temps est long entre le travail et son résultat incertain, la mobilité est nulle (ou très faible, car on ne déménage pas avec sa terre) et les prélèvements par le reste de la société sont douloureux car ils ne laissent que le minimum pour survivre.

Maintenant que la civilisation thermo-industrielle se casse la gueule où se planquer ? (c’est un lien vers mon bouquin, tu l’as ach… lu ?)

Beaucoup de celleux qui aspirent à vivre en écolieux fantasment cette vie et voudraient conserver le confort occidental sans en avoir l’impact écologique. C’est un bel objectif et il me semble atteignable, mais l’effort à fournir est important.
7 ans après notre atterrissage à la campagne, je mesure l’importance de la paysannerie et la difficulté à devenir paysan. C’est un apprentissage long, si long que je me demande si me sentirais paysan un jour.

Marc, mars 2023

1)
Ce n’est pas une tournure politiquement correcte mais de l’écriture inclusive, dommage que ça aboutisse au même résultat.