Partage d'expérience de la Ferme Légère : Politique

Le mode de vie à la Ferme Légère est-il soutenable ?

La soutenabilité écologique fait partie de la raison d’être de nombreux écolieux. Pour certains d’entre eux, c’est même l’objectif central. Les plus ambitieux veulent essaimer pour créer un réseau d’écolieux soutenables, par exemple 0,6 Planet.

Être soutenable c’est avoir une empreinte écologique globale inférieure ou égale à une planète.
Autrement dit, si notre confort et notre consommation étaient généralisés à l’ensemble de l’humanité, cela ne bousillerait pas la planète.

Il ne s’agit pas ici de viabilité économique, qui fait l’objet d’un autre article article.

En 2015, nous sommes arrivés avec, entre autre, l’objectif de diminuer notre empreinte écologique. Objectif non chiffré mais la direction à suivre était claire : réduire.
La maison était connectée au réseau public d’eau et d’électricité. Elle était non isolée et chauffée au bois. Il y avait des prairies, des bois et quelques vieux arbres fruitiers. Nous avons installé des panneaux solaires, remis le puit en service, récupéré l’eau de pluie, planté des arbres, fait pousser des légumes, revu notre alimentation, introduit des animaux de ferme, et plein d’autres choses encore.
En 2018 et 2019, Jeff, un ami énergéticien et responsable énergie à la ville de Niort (pas un praticien de médecine alternative) a tenté de faire un bilan humoristico-énergétique de la ferme. Le présent article s’appui sur son travail que vous pouvez consulter ici (2018) pdf et là (2019) pdf. Depuis, nous avons notamment amélioré l’isolation du four à pain et, un peu, diminué l’utilisation de la voiture.

La conclusion de Jeff est que, le mode de vie à la Ferme Légère est proche de la soutenabilité, comme celui des habitants de Cuba ou du Mali par exemple, mais pas avec la même qualité de vie.

Tout ce que nous avons mis en place pour baisser notre empreinte écologique n’a pas eu la même efficacité…

Ce qui marche incontestablement

Cohabiter

Habiter à plusieurs, mutualiser tout ce qui peut l’être (tous les ustensiles de la maison, la voiture, la box internet, etc), acheter et cuisiner pour un nombre important de personnes. Tout ceci permet des économies d’échelle, de diminuer la quantité d’emballages et de déchets.

Mutualiser le(s) véhicule(s)

La mutualisation des voitures et la diminution de leur nombre (les résident·es ne peuvent pas avoir de voiture personnelle) augmente le nombre de trajets à vélo et augmente l’efficacité des trajets en voiture (nombre de personnes qui en profitent, regroupement des tâches à faire en ville).

Changer notre alimentation

Ça ne coûte rien d’autre qu’un peu de remise en cause personnelle après d’innombrables discussions sur les aliments à réduire, à éliminer, à substituer. Nous avons remplacé le café par un produit plus local, le beurre par de la purée de sésame article. Nous limitons nos achats alimentaires à ce qui vient de France, Italie et Espagne (nous habitons dans le sud de la France).

couloir à conserves

Produire une partie de notre nourriture

Produire une partie de sa nourriture nous donne une vraie maîtrise de la manière de produire cette nourriture (sans mécanisation ni pesticide ni transports ni emballages). De plus, nos méthodes culturales sont pensées pour avoir un impact positif sur les sols, la biodiversité et sur la séquestration des GES.

Isoler notre habitation

Isoler sa maison (et aussi pour nous, le four à pain), utiliser des appareils de combustion à haut rendement et produire son bois de chauffage article sur place permet de se chauffer toute l’année avec environ 1 litre d’essence par personne (l’essence de la tronçonneuse).

Cuisiner au solaire et au bois

Cuisiner au solaire et au bois, avec des cuiseurs performants, rallonge et complique le temps de cuisine mais permet d’annuler complètement les consommations fossiles afférentes.

Chauffer l’eau au solaire

Des panneaux solaires thermiques (chez nous en thermosiphon article : pas de pompe électrique) et un échangeur dans le poêle, permettent d’avoir de l’eau chaude sanitaire toute l’année.

Faire le point régulièrement

Enfin, les aspects collectif et politique de notre écolieu, poussent chacun des résident·es à s’interroger sur ses pratiques et sur ses consommations. Nous réfléchissons et progressons ensemble, nous osons ce que nous n’aurions pas essayé individuellement.

Il y a aussi des trucs qui marchent moins bien

Garder une voiture

La voiture, même partagée, reste notre poste de consommation énergétique le plus important, et donc un gros poste de pollution. Réduire encore nous semble difficile avec l’organisation actuelle de la société, les infrastructures en place, les habitudes de vie des personnes qui nous entourent.
Le renouvellement des résident·es article de la ferme (des nouveaux arrivent, des anciens partent) nuit aussi à notre performance écologique en terme de transport : le pas étant important entre le mode vie individualo-véhiculé et celui de la ferme, beaucoup des nouveaux arrivants ont besoin d’un temps de transition pour lâcher leur voiture personnelle et adopter la mutualisation et le vélo.

Dépendre des hautes-technologies

Notre électricité solaire article nécessite beaucoup de technologie (électronique, panneaux et batteries) et les éléments ont une durée de vie limité. Nous avons remplacé la dépendance au réseau électrique national par une dépendance technologique. Cela nous permet une très grande maîtrise de notre consommation et donc une baisse de cette consommation, mais ne nous rend pas autonome pour autant.

Consommer de l’internet

Notre consommation d’internet reste importante, pour trouver l’information nécessaire à notre autonomisation, pour partager notre expérience et parfois aussi pour nos loisirs ! Plusieurs raisons à ce dernier point…

  • L’écologie et l’autonomie nécessitent plus d’activité physique puisque l’on remplace du pétrole par, entre autres, du jus de muscle. Une partie de notre temps de loisir se passe alors facilement devant un écran plutôt que sur le terrain de sport de la commune.
  • L’écran est aussi une manière de s’échapper du collectif, d’avoir un moment de solitude.
  • Enfin, la ruralité avec impératif de peu de voiture limite les loisirs extérieurs possibles.

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Heureusement la lecture, les balades et les jeux viennent concurrencer nos multiples écrans mais ces derniers restent fortement incrustés dans nos habitudes. Pour questionner cela nous avons fait une semaine sans écran l’été 2021, le résultat sur le long terme n’est pas fameux.

Chercher à faire presque tout nous-même

Le choix de faire nous même (auto-construction) nous amène parfois à rater et refaire, ce qui augmente l’énergie et les matériaux consommés. Notre cuve de récupération d’eau de pluie par exemple, environ 80 tonnes de béton, était toujours fuyarde après 4 ans de construction et de tentatives de réparation (on se croirait à Flamanville). Un ouvrage bien pensé et bien réalisé aurait eu un impact moindre.

Investir pour atteindre la soutenabilité

Comme évoqué dans les rapports de Jef, la Ferme Légère est encore dans sa phase d’installation. Des travaux énergivores sont entrepris pour baisser certaines consommations énergétiques futures, voire simplement pour permettre une vie confortable. Notamment des travaux de terrassement ont été fait autour de la maison, pour créer un parking et un accès à la zone de culture, pour créer des marres et enterrer le réseau d’irrigation.

Nous avons fait le choix de consommer de la pelle-mécanique et de faire des trajets de transport de matériaux de construction en voiture pour l’aménagement du site. Nous assumons ce choix et considérons qu’une part des énergies fossiles restantes doit être investie dans la construction d’un mode de vie soutenable. Encore faut-il que cette construction ne soit pas une illusion ou un nouveau château de cartes. Un amortissement énergétique serait à calculer dans un prochain rapport.

Pour conclure

Le mode de vie à la Ferme Légère se rapproche de la soutenabilité et devrait l’atteindre le 28 novembre 2026 à 13h20.

Les éléments qui contribuent le plus à notre faible empreinte écologique sont avant tout la sobriété, la mutualisation et le travail physique. Les dispositifs techniques permettent plutôt de conserver un haut niveau de confort.

Ce mode de vie est à la fois rude et épanouissant. Il est différent de ce que vivent la plupart des français, ce qui induit 2 choses.
D’une part, il y a toujours la possibilité pour les résident·es de la ferme de se replonger dans le mode de vie « normal », soit provisoirement (vacances), soit définitivement (retour à la vie « normale »). Ca peut aider à « supporter » le mode de vie exigeant de la ferme (parfois la vie normale nous insupporte tellement que c’est le retour à la ferme est un soulagement).
D’autre part, la différence avec la normalité qui nous entoure rend tout plus difficile. Un certain écart à la norme est possible, mais pas au-delà de certaines limites. Si l’ensemble de la société était engagé vers un mode de vie soutenable, beaucoup de choses seraient plus faciles pour nous et nous pourrions aller beaucoup plus loin, et probablement vivre de manière réellement soutenable.

Marc - Décembre 21

Tu as assez fait d'écran

Ferme ton ordi et va donc sauver la planète.
Demain tu pourras lire un autre article de la Ferme Légère.